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La quête syndicale du graal bancaire

La quête syndicale du graal bancaire

(Historique de l’initiative pour une banque postale du Syndicom et du PSS)

Depuis 2001, une main invisible guide les instances dirigeantes du Syndicom (anciennement Syndicat de la Communication) vers la création d’une banque postale, faisant ainsi le jeu de la direction de la Poste et des spéculateurs.

Réticences à gauche déjouées

Au début, que se soit au Syndicom ou au PS, cette main invisible s’est heurtée à une résistance interne farouche. Lors du Congrès 2003 du syndicat, la demande du soutien à une banque postale faite par le comité directeur n’a pas reçu l’aval des délégués, convaincus par l’opposition de la section valaisanne, soutenue par la section Bern Postpersonal. Dans leur élan, les délégués ont également décidé de combattre toute modification du statut de Postfinance (transformation en S.A) et toute velléité de transfert d’élément fondamental de l’activité postale dans une S.A indépendante, même contrôlée entièrement par la Poste.

Ces décisions du Congrès 2003 n’ont pas été respectées par le président Christian Levrat, actuel président du PSS, qui déclarait au comité directeur du syndicat en juin 2004 : «nous sommes pour une SA à la condition que cette dernière soit au bénéfice d’une licence bancaire». Là encore, la section valaisanne est à nouveau montée au créneau afin que les décisions du Congrès soient respectées.Peine perdue, Christian Levrat, président du Syndicom,  leur expliqua l’argumentation de la main invisible :.      la Poste veut une banque postale

·     la création d’une banque postale aurait 2 avantages : financement du service universel et concurrence aux banques cantonales favorable aux PMEArguments imparables de la part d’un syndicaliste et futur président du PSS… Et il rajoutait : « le syndicat ne peut être d’accord que s’il s’agit d’un établissement de droit public, donc pas une SA du code des obligations. » Cette condition n’a pas été remplie avec la nouvelle législation postale ! Pourtant Christian Levrat et le Syndicom font tout de même campagne actuellement pour la banque postale.

Du côté du PSS, la main invisible dut aussi passer en force pour imposer la course à la banque postale. Le 9 avril 2005, un sénateur socialiste prenait position : « Sur le plan politique, nous n’en sommes qu’au début d’un processus qui donne de nouvelles chances de perturber complètement la marche triomphale vers une Banque Postale SA…. » Là encore la main invisible fut la plus forte et le PSS chante actuellement à l’unisson les louanges de la future banque postale, en acceptant que celle-ci se passe de la garantie de la Confédération, son assujettissement à la Finma et sa capitalisation à hauteur de plus de 4 milliards, avec ouverture probable à des capitaux privés. 

 

Le gouffre sans fin des fonds propres

Afin de pouvoir jouer aux Golden Boys dans la cour des grands, Postfinance accepte de se passer de la garantie de la Confédération, alors que durant la crise financière de 2009 la Poste rassurait ses clients en mettant en avant, à juste titre, cette garantie.

Dans le rapport de gestion 2003, la Poste estimait à 1,5 milliards les fonds propres nécessaires à Postfinance pour se passer de la garantie de la Confédération. Postfinance n’en possédait alors que 500 millions. En 2009, l’estimation passa à 2 milliards, en 2010 à 3,5 milliards et à fin 2011 on parle de 4 milliards. A l’heure actuelle le groupe Poste a mis de côté globalement 4,5 milliards de fonds propres. Comment la Poste a pu mettre de côté une somme aussi colossale de fonds propres ? Elle l’a fait en :·         vendant une partie de ses bijoux de famille (parc immobilier)

·         fermant plus de la moitié des bureaux de poste de Suisse

·         précarisant son personnel (la Poste est le plus grand client en Suisse des entreprises de travail temporaire).

·         faisant passer à la caisse ses clients. Le magazine « Saldo » titrait le 19 janvier 2011 : « Les clients de la Poste financent une banque fictive »

Alors que Postfinance pratiquait dans les années 90 une égalité entre petits et gros clients par la gratuité du compte et de la Postcard, elle est devenue comme les banques les plus capitalistes en faisant passer à la caisse les clients en fonction de leur avoir sur les comptes !

Afin d’embellir le résultat financier de Postfinance (pour la rendre présentable aux futurs courtisans) et péjorer celui du réseau postal, la Poste a baissé drastiquement les prix internes des produits financiers que vend l’unité Réseau Postal pour Postfinance. Exemples : une année Postfinance payait 115.- pour un compte épargne que vendait Réseau Postal et seulement 37.- l’année suivante. La conclusion d’un fonds de placement rapportait à Réseau Postal 187.- et que 48.- une année plus tard. Autre bizarrerie : alors que les versements payés au guichet provoquent un déficit de plusieurs millions au Réseau, ils génèrent un bénéfice du côté de Postfinance.

Ces maquillages et cette comptabilité à géométrie variable sont attestés par le Professeur Mathias Finger qui reconnaissait dans une interview : « il n’y a aucune objectivité dans les prix de transfert internes à la Poste, ils sont décidés par politique d’entreprise…. », en fonction de ce que l’on veut montrer comme résultat financier. 

 

La banque postale et le réseau des offices de poste

Nous l’avons vu ci-dessus : Postfinance s’agrandit et s’enrichit en fragilisant le réseau postal.

L’initiative du PSS et du Syndicom n’apporte aucun remède à cet état de fait ; elle ne prévoit pas que les bureaux de poste deviennent des agences de la banque postale ce qui pourrait leur donner une importance et une plus value déterminantes. Cette initiative demande juste que le réseau soit financé par les bénéfices d’une banque postale en main de la Poste et par le monopole des lettres.

Qu’en est-il des plans d’avenir de la présence de Postfinance dans le réseau ? L’offre des produits Postfinance vendus dans le réseau des offices s’est rétrécie d’année en année. Le personnel des bureaux de poste n’est plus qu’habilité à ouvrir de simples comptes ; pour tout le reste, les clients sont dirigés vers les centres Postfinance des grandes villes.

Les plans d’avenir préparés par la Poste et le Conseil fédéral, avec la bénédiction du Parlement à côté de ses pompes, sont encore pire. L’ordonnance sur la Poste prévoit seulement un peu plus de 1000 bureaux de poste prenant encore les versements en espèces. 

 

Le modèle de la « Deutsche Postbank »

C’était ce que titrait la feuille numéro 1, en juin 2001, du programme « Futuro » de Postfinance qui vantait les mérites de la transformation en S.A de la Deutsche Postbank, séparée de la Deutsche Post, et y voyait un modèle à suivre pour Postfinance. Bel exemple en effet, 9 ans plus tard la Postbank allemande était dans une situation si mauvaise que la Deutsche Bank, déjà propriétaire de 30% des actions, a lancé une offre publique d’achat sur la Postbank. La Deutsche Post a également dû mettre la main au portemonnaie afin de recapitaliser la Postbank.

Voila vers quels risques nous amènent la main invisible et les promoteurs de la banque postale. Il ne faut pas oublier que la nouvelle législation et la nouvelle forme juridique de Postfinance S.A permettent une ouverture du capital à des capitaux tiers. De plus, le directeur actuel de la Poste a lui-même avancé l’idée d’une entrée en bourse. 

Résistance populaire et syndicale

Le peuple suisse n’a jamais voulu une banque postale. En 2009, le sondage GFS estimait à 38% seulement les personnes favorables à une banque postale (contre 55% opposés). L’avis du personnel de la Poste est partagé, les plus favorables étant les employés de Postfinance, alléchés par les conditions salariales et la danse des bonus (actuellement les cadres et le personnel de vente de Postfinance ont des bonus pouvant atteindre 30% de leur salaire). Les autres employés de la Poste sont plutôt excédés par ces inégalités salariales et sont réticents à l’idée d’une banque postale autonome.Du côté syndical, à part les résistances et critiques dans les rangs du Syndicom, l’assemblée générale du Syndicat Autonome des Postiers s’est prononcée à l’unanimité contre la création d’une banque postale, à l’exemple du syndicat SUD-PTT en France. 

 

Démasquer la main invisible

On se demande donc quelles sont les raisons qui poussent les dirigeants socialistes et du Syndicom à prôner avec une telle énergie la création d’un instrument capitaliste et financier telle une banque. Avec les risques évoqués ci-dessus et résumés ci-après :Ø      Entrée en bourse avec ouverture aux capitaux étrangers

Ø      Perte de la garantie de la Confédération

Ø      Séparation de la Poste et privatisation

Pour trouver le coupable (la main invisible), il faut chercher le mobile. Une entrée en bourse de la banque postale rapporterait des milliards à la Confédération, à l’instar de Swisscom, qui n’est plus une entreprise de service public depuis lors.Alors, à qui profite le crime ?

Mai 2012

Syndicat Autonome des Postiers

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